ANALYSE | 13 OCTOBRE 2015
CONTEXTE TERRITORIAL 2
Quels facteurs ont le potentiel d’accroître l’autonomie des villages nordiques du Nunavik ?
ÉNERGIES
Actuellement, des centrales thermiques au diésel alimentent des centrales thermiques qui fournissent de l'énergie aux 14 villages du Nunavik. Ceci accroit leur dépendance au Sud du Québec puisqu'ils doivent recevoir leur approvisionnement par bateau cargo régulièrement.
Quelles ressources du territoire peuvent-elles permettre aux communautés inuit d'aspirer vers une autonomie énergétique?
Le vent
La carte des vents démontre à quel point le Nord Québécois présente des potentiels éoliens intéressants. Bien que la majorité des villages se situent dans des embouchures de rivières protégées des vents dominants, les études démontrent que le potentiel éolien est suffisant dans la majorité des villages pour permettre l'installation d'éoliennes de moins de 300 MW comme source d'énergie supplémentaire.
Hydroélectricité
Tous les villages à l'exception de Quaqtaq se trouvent à proximité de rivières ayant un potentiel hydroélectrique. Des études pour le cas d'Inukjuak explorent la possibilité d'implanter une mini-centrale locale ayant des répercussions environnementales très limitées. Une centrale hydroélectrique d'appoint a déjà fait ses preuves dans la région de Schefferville, village qui n'est également pas connecté avec le réseau d'Hydro-Québec.
D'autres sources renouvelables sont également à considérer, comme l'énergie marémotrice, les hydroliennes de même que les centrales thermiques au gaz naturel
TRANSPORTS
Entre juin et fin octobre deux transporteurs maritimes convoient les marchandises non périssables en quatre chargements dans les 14 villages nordiques et 2 de plus à Kuujjuaq. Une quantité phénoménale de marchandises transigent également par avion, totalisant plus de 12 000 tonnes en 2014 dont les deux tiers sont des matières périssables. Le seul moyen de déplacement de personne en l’absence de lien routier ou ferroviaire est par avion. Jusqu’à 13 allers-retours s’effectuent entre certains villages par semaines. Considérant le surcoût de plus de 20% qu’occasionnent ces types de transports, un projet de lien terrestre entre Radisson et Kuujjuarapik, ainsi qu’entre Schefferville et Kuujjuaq a fait l’objet d’une étude de préfaisabilité dans le cadre du Plan Nunavik.
"Communication and transportation are inseperable; interdependence is not a theory, but a daily reality. Breakdowns in transportation and communication can mean life or death in places where radio or telephone lines link people with survival, as well as with each other." Alia, 2010
TÉLÉCOMMUNICATIONS
Dans ces communautés reculées où les déplacements physiques sont limités et onéreux, l’accès à des services de télécommunication est critique bien qu’également moins efficace qu’au sud, notamment en terme de téléphonie. Pour les communications locales, la radio joue un rôle important dans les communauté, qualifiée par Thibault Martin d’Agora Inuit. Les échanges intervillage sont cependant limités, car la radio régionale Taqramiut Nipingat ne possède de poste de production que dans 3 villages nordiques.
L’arrivée de l’internet en 2004, a eu un impact énorme sur ces communautés « Still remote, but no longer isolated » selon le principal fournisseur internet, Tamaani. Le service par satellite à faible bande passante a été choisi puisqu’il permet les vidéoconférences dans chacun des 14 villages. Le service de vidéoconférence est utilisé notamment par Commission Scolaire Kativik et le personnel médical pour la formation et les diagnostics à distance.
Les médias sociaux sont également extrêmement populaires et peuvent être qualifié « d’extension des réseaux sociaux d’autrefois » selon Louis-Jacques Dorais. Leur ampleur remarquable dépasse même la population de chaque village pour des groupes locaux associés aux échanges et achats. Les médias sociaux deviennent alors un outil de communication entre les villages et une plateforme de diffusions pour une pléiade d’activités communautaire, de nouvelles, de débats et même de micro-entreprises en émergence. La popularité des médias sociaux et l’importance du partage dans la culture Inuit présage un potentiel important de créer via les technologies de l’information des plateformes d’échange et d’apprentissage. Des « Online Community of Practice » créées avec des partenaires d’expériences à distance pourrait ainsi servir d’incubateur d’entreprise, de mode innovant de formation ou permettre la transmission des savoirs traditionnels. Les communautés sont d’ailleurs au fait du potentiel immense de ces moyens de communication et étudie actuellement la faisabilité d’un système d’internet à haut débit via fibre optique.
ÉDUCATION
L’éducation est une des pierres d’assise pour aspirer à l’autonomie d’une communauté. En observant les données statistiques, on s’aperçoit rapidement que très peu des jeunes Inuits obtiennent leur diplôme d’études secondaires, et encore moins se rendent à des études postsecondaires.
Malgré les progrès constatés, un effort supplémentaire doit être fait en éducation. Les grandes distances entre villages et entre les villages et les autres villes du Québec rendent l’accessibilité physique aux différentes écoles postsecondaires difficiles, il en va de soi.
Mais quelles sont les autres causes de décrochage des étudiants inuits? Historiquement, l’institution scolaire est associée à de mauvais souvenirs pour une bonne partie de la population. Pendant longtemps le système scolaire a été conçu pour évangéliser ou assimiler les autochtones à la culture du sud. Il en a résulté un stress identitaire important causé par le tiraillement de l’élève entre les valeurs scolaires et les valeurs traditionnelles transmises par leurs pairs. Ce stress et les mauvais traitements vécus à cette époque ont entrainé une dévalorisation de ce système. Selon Marie McAndrew : « [Les résultats scolaires risquent d’être meilleurs] si l’éducation est importante au sein de la famille, si les parents sont éduqués. » Il s’agirait d’une des causes du décrochage. Le décalage culturel justifierait une autre part du bas taux de diplomation. On constate une corrélation entre le nombre de professeurs de langue maternelle inuite et le taux de succès des étudiants des premiers cycles.
«Les inégalités en matière de réussite scolaire sont plus le résultat des inégalités sociales qu’une inégalité en matière d’aptitude.» - Bourdieu et Passeron, 1964
En se basant sur ce point de vue et sur les progrès déjà effectués, on ouvre la porte sur des perspectives d’avenir positives et encourageantes. Pour que les études puissent remplir ses attentes, on doit créer une synergie entre les centres d’enseignement et l’économie locale. Ce faisant on promeut la culture locale, on permet à la jeunesse de visualiser les potentiels qu’offre leur territoire et on ouvre de nouvelles débouchées économiques plus en phase avec le milieu. Il est évident que la culture locale doit être encore plus présente dans le système éducatif. Cela passe par l’augmentation du nombre de professeurs inuits dans les divers grades d’enseignement, mais aussi par la diversification des modes d’apprentissage, en misant davantage sur les programmes avec volet pratique ou d’alternance travail-étude et sur la reconnaissance des acquis et des équivalences de diplômes.
Des stratégies de condensation de l’espace doivent être mises en place pour favoriser l’accessibilité aux études postsecondaires. Les écoles régionales doivent être favorisées afin d'augmenter la qualité des formations à distance et de miser sur des projets innovants comme des écoles itinérantes. Bien sûr, il faut aménager les villages pour favoriser l’interaction des étudiants avec le milieu politique, économique, agroalimentaire et énergétique. Il faut également penser globalement; pour pouvoir progresser, l’étudiant doit avoir accès à un espace pour étudier, il peut être intégré aux bâtiments d’habitations par l’ajout de maison unifamiliale, par la construction de résidences étudiantes, par la favorisation de la colocation ou être dans des lieux communs de savoir tel que des bibliothèques. Bref, assurer un bon niveau d’éducation est un défi en soi, mais il s'agit d'une des clés essentielles pour aspirer à une autonomie des communautés inuites.
EMPLOIS
Les villages de Kuujjuaq et Inukjuak sont ceux qui proposent le plus d’emplois, concentrés principalement dans l’administration publique, la santé et l’éducation, comme dans la plupart des autres villages.
Au niveau régional, le secteur minier représente 22% des emplois. Pour l’instant, il n’y a seulement qu’une seule mine active au Nunavik, la mine Raglan, mais il y a deux autres projets de mine en cours et six projets d’exploration. Cela représente donc une bonne perspective d’emploi dans les années à venir.
BIOALIMENTAIRE
Un des aspects primordiaux dans un contexte d’autonomie est le place que doit prendre le bioalimentaire et la capacité des villages du Nunavik à subvenir eux-mêmes à leur besoins alimentaires, ou du moins le plus possible. Il existe à cet égard déjà plusieurs projets et réalisations.
Un projet pilote de serres communautaires à Kuujjuaq étonne déjà par l’intérêt que les citoyens y portent, alors que d’autres projets sont à l’étude ailleurs, notamment une serre hydroponique à Quaqtaq, une serre dans l’école primaire de Kangiqsujuaq, une serre pour un petit projet commercial à Salluit et finalement un projets de serres de taille moyenne à Kuujjuarapik.
La pisciculture est également présente, avec un projet réalisé depuis 1999 à Kuujjuaq et un projet en cours à Inukjuak qui n’attend que le feu vert de la MAPAQ.
Enfin, un projet de ferme à poules en liberté présente déjà une bonne efficacité à Kuujjuaq et Salluit, alors qu’un nouveau projet de ferme à lapins est sur le point de voir le jour à Salluit également.