PROJET DÉTAILLÉ FINAL | 16 décembre 2015
VISION - ILLUQARVIVINIQ
Inukjuak 2040
le projet explore le potentiel de développement de l’autre côté de la rivière.
Il vise la création de nouveaux milieux de vie qui seraient en fort lien avec le milieu naturel : le Land, la toundra, l’horizon, la rivière, les saisons, le paysage… Il s’agit d’un lien entre le peuple inuit et leur territoire.
ENJEU 1 : construction d'urgence
OBJECTIF 1
Le premier enjeu concerne les conséquences de la situation de construction d’urgence, qui, nous croyons, crée des milieux de vie en décalage avec la culture inuit.
Le premier objectif vise à limiter l’étalement du territoire dans le Land. L’étalement actuel projette le village à l’intérieur des terres, vers le dépotoir et l’aéroport, écrasant la toundra au passage et affaiblissant le lien avec la rivière.
OBJECTIF 2
Le deuxième objectif vise à rétablir le contact avec la toundra au sein du village. Ce contact est appauvri, voire inexistant, à cause des grandes quantités de radier qui la recouvre.
OBJECTIF 3
Le troisième objectif vise à restructurer les services techniques, qui sont laborieux et omniprésents, en particulier à cause de leur mode « porte-à-porte ».
ENJEU 2 : richesse du paysage
OBJECTIF 1
Le deuxième enjeu concerne l’omniprésence du paysage naturel dans le paysage global d’Inukjuak – une richesse qui s’efface du village.
Le premier objectif vise à renchérir l’appropriation des berges et de la rivière.
OBJECTIF 2
Le deuxième objectif vise à permettre la cueillette et les pratiques en lien avec la toundra, qui doit retrouver sa place au cœur des milieux de vie.
OBJECTIF 3
Le troisième objectif vise à conserver l’horizontalité du paysage. Inukjuak est au nord de la ligne des arbres, ce qui résulte en un champ visuel vaste et permet la vue de points de repère à l’horizon.
THE PLACE WHERE HOUSES ONCE WERE
Illuqarviviniq, le nom de la pointe de l’autre côté de la rivière, est un toponyme qui fait référence à l’histoire récente du lieu. Les premières installations – des bâtiments fédéraux et le poste de traite – s’y étaient implantées et constituaient la totalité du village, jusqu’à ce qu’un magasin général s’installe du côté du village actuel, et que le développement s’ensuive.
Il ne reste plus de traces de ces bâtiments aujourd’hui. Les Inuit ont exprimé leur volonté d’y habiter. Cette partie du territoire est d‘ailleurs accessible par un petit traversier, et on y pratique la chasse, entre autres.
MISSION
À partir d’une lecture sensible du paysage riverain d’Inukjuak, envisager le développement urbain de l’autre côté de la rivière en imaginant, d’une part, des façons respectueuses d’occuper le territoire, et, d’autre part, en concevant des modules d’habitation flexibles et adaptables à la culture inuit contemporaine.
PLAN D’ENSEMBLE
À gauche, le village actuel; à droite, un plan du nouveau développement que nous avons entrevu, pour 2040, qui sera justifié tout au long de la présentation. Ce plan découle de notre lecture sensible du paysage ainsi que de considérations techniques, environnementales et historiques.
MORPHOGENÈSE 1975 À 2015
LE VILLAGE AU FIL DU TEMPS
Inukjuak, Illuqarviviniq et Innuksuak – les trois lieux qui, ensemble, constituent l’Inukjuak 2040 tel que nous l’imaginons. Pour la suite, trois éléments d’analyse : le développement de la forme d’Inukjuak, les types de sols qui l’entourent, et la notion de proximité au sein du village.
Quelques bâtiments fédéraux du côté d’Illuqarviviniq demeurent encore, pendant que, de l’autre côté de la rivière, le village se développe autour du magasin général.
L’étalement à l’intérieur des terres continue, ce qui accentue la déconnexion des rives. Il est à remarquer que cet étalement contourne les pics rocheux et les points hauts de la topographie.
Inukjuak, Illuqarviviniq et Innuksuak – les trois lieux qui, ensemble, constituent l’Inukjuak 2040 tel que nous l’imaginons. Pour la suite, trois éléments d’analyse : le développement de la forme d’Inukjuak, les types de sols qui l’entourent, et la notion de proximité au sein du village.
ANALYSE DES LIEUX
La carte montre la présence de pergélisols instables au dégel. La quasi-totalité du village est implantée sur ce type de sol, ce qui constitue un risque étant donné les changements climatiques et le réchauffement imminent.
De l’autre côté de la rivière, les sols sont stables au dégel, ou de nature rocheuse. Seules les berges sont instables, et risquent une certaine érosion. Aussi, le pergélisol est d’une profondeur de 1,5 à 2,5 m avant d’atteindre le roc, ce qui présente une bonne opportunité de construction sur pieux.
En plus de connexions à même la rivière, un pont sera nécessaire pour assurer le lien entre les deux rives du village. Nous le plaçons délibérément au cœur de l’existant, ce qui contribuera à l’intensité de ce pôle et générera un lieu complémentaire de l’autre côté. L’assise du pont, de part et d’autre, est sur un sol stable. Ainsi, au cœur du village se trouve la rivière, un élément clé du paysage, que nous analysons pour la suite.
La carte montre la présence de pergélisols instables au dégel. La quasi-totalité du village est implantée sur ce type de sol, ce qui constitue un risque étant donné les changements climatiques et le réchauffement imminent.
STRATIFICATION DU PAYSAGE
Dans le but de mieux saisir la structure du paysage, nous avons stratifié notre lecture du paysage du territoire d’Illuqarviviniq. Nous avons ainsi pu comprendre les relations possibles entre les différentes parties du territoire.
Tout d’abord, la rivière. Généralement perçut comme un obstacle, il s’agit ici plutôt d’un espace public vécu été comme hiver structurant le village.
Tout d’abord, la rivière. Généralement perçut comme un obstacle, il s’agit ici plutôt d’un espace public vécu été comme hiver structurant le village.
Finalement, on arrive au milieu de vie sensible, l’habitat. Le plateau délimite naturellement le début de la zone d’implantation et incite à la construction de bâtiments d’importance. À la suite du plateau, une montée graduelle se fait jusqu’au sommet et permet une implantation sur différents niveaux.
Tout d’abord, la rivière. Généralement perçut comme un obstacle, il s’agit ici plutôt d’un espace public vécu été comme hiver structurant le village.
ÉVOLUTION DE LA FORME
Nous avons imaginé un nouveau mode d’implantation en accord avec le territoire
1-Avec une forme linéaire suivant le relief, il est possible de desservir par camion une « branche » de logements, avec un réservoir d’alimentation en eau potable et en énergie au bout le plus haut, puis un réservoir pour la récupération des eaux usées au point le plus bas, profitant ainsi de la gravité. Les réservoirs des deux extrémités étant les seuls à être desservis par camion, leur présence dans le milieu de vie est considérablement diminuée.
2- Le fait que la branche épouse la topographie adoucit l’implantation, favorisant l’aspect « horizontal » de l’habitat – toujours en lien étroit avec le paysage.
3- Cette branche est rendue perméable à la circulation légère par des percements en accord avec la culture inuite; la notion de ligne de propriété étant bien différente de celle du sud. Ces espaces donneront du même coup accès aux habitations.
4- Finalement, l’habitation est distribuée sur les espaces restants, orientés de façon à profiter des vues.
BRANCHE ÉCLATÉE
Une décomposition verticale de la branche de logement permet de saisir son fonctionnement. Les habitations sont sur une plateforme partagée et continue, qui dissimule les services (en bleu) et assure la perméabilité de l’ensemble. Le système de distribution s’inspire des utilidors. Son intégration à l’habitat évite que les conduits créent une barrière sur le territoire. Le contact au sol se fait minimalement, à l’aide de pieux, qui permettent l’implantation sur le roc et sur les sols stables au dégel où le roc est relativement peu profond. L’espace entre la plateforme et le sol permet d’y placer des cabanons, ce qui maximise l’aire construite. Ce mode d’implantation permet donc la préservation de la toundra.
TYPOLOGIES
À l’heure actuelle, 115 des 415 logements d’Inukjuak sont en surpeuplement, ce qui équivaut à presque 1/3 de ceux-ci. En 2040, il y aura 1085 personnes de plus à loger si l’on considère un taux de croissance annuelle de 2 %. L’analyse démographique nous permet d’établir des hypothèses quant aux profils des ménages et leurs besoins. Nous avons élaboré cinq typologies, allant du XSmall au XLarge selon le nombre de chambres. Par exemple, le XSmall est un studio répondant aux besoins des ainés, des visiteurs ou des non inuits en transition. De Small à Large, les maisons répondent aux besoins des familles en ajoutant une chambre de plus à chaque modèle. À XLarge, nous proposons un modèle partagé sur deux étages avec quatre espaces privés disposés autour d’une cuisine. Considérant que 62 % de la population d’Inukjuak est âgée de moins de 25 ans, la demande pour les logements à une seule chambre est très populaire, mais correspond probablement à un besoin passager dans la vie des citoyens.
AXONOMÉTRIE 3 BRANCHES
La branche devient un système simple à composer, permettant d’insérer le nombre de logements et de typologies nécessaires dans le moment. L’idée est de créer un mode d’implantation flexible, permettant une mixité sociale. Une densité plus importante aux têtes d’îlots est essentielle afin de cadrer les axes structurants, là où circuleront les camions.
Le système proposé, avec un réservoir d’alimentation au point le plus haut et un réservoir pour les eaux usées au point le plus bas permet d’éviter le porte-à-porte et de conserver ainsi un milieu de vie naturel qui est traversé par seulement deux voies plus robustes, sur radier, ponctuées de grilles d’écoulement.
Au final, les différents milieux sont reliés et provoquent des zones d’intensité au sein du milieu de vie. Les passerelles, plus larges, là où sont situés les divers services, deviennent des espaces de rencontre//Grilles d’écoulements au travers du radier + logique de déneigement (au bout du stationnement, formant des montagnes de neige pour les enfants)
APPROPRIATION DE L'HABITAT
Sachant qu’environ 90 % de la population du Nunavik vit dans un logement social, les opportunités d’appropriation de leur habitat sont rares. Nous avons donc opté pour une typologie d’habitation facilement appropriable. Premièrement, le choix du matériau, le bois, permet de changer aisément la couleur, comme au Groenland. Aussi, en intégrant un système d’accrochage simple, il devient également possible de s’approprier l’enveloppe du bâtiment et créant une paroi utile extérieure.
PLAN DU PROJET
Le projet d’Illuqarvivivnik comprend la rivière comme point d’origine, ce qui inclut inévitablement ses deux rives. Il y a donc une réflexion importante à faire quant à l’arrimage du projet à l’existant, au-delà de l’enjeu technique de la construction d’un pont. Une telle infrastructure aura une influence importante sur le développement d’Inukjuak et se doit d’être directement connectée au cœur villageois.
Ici, on peut voir le projet en noir qui dialogue avec l’existant, en gris.
CONTAMINATION
Le premier geste d’arrimage consiste à une consolidation résidentielle du cœur par une contamination pure et simple de la branche présentée un peu plus tôt. Comme il s’agit d’un modèle très adaptable à la topographie et non menacé par la fonte du pergélisol, ceux-ci peuvent consolider diverses endroits stratégiques. Dans le contexte du cœur du village, la position avantageuse donne déjà un indice quant aux futurs ménages auxquels l’on s’adresse. Par exemple, on pense que l’endroit idéal pour une résidence de personnes en perte d’autonomie serait près du CLSC et du centre de couture, afin de poursuivre la pratique d’une activité traditionnelle et conserver une certaine implication communautaire.
COMPLÉMENTARITÉ
Ce qui nous amène à réfléchir à la complémentarité des services et programmes existants et ceux souhaités par la communauté. Ce qui est primordial, c’est d’établir une complémentarité de part et d’autre de la rivière, afin que le projet ne devienne pas la « banlieue rive sud » d’Inukjuak. //Par exemple, l’école actuelle est surpeuplée et elle nécessite un agrandissement d’urgence. Une nouvelle école primaire pourrait être construite à l’Est, avec une capacité permettant d’accueillir l’ensemble des élèves le temps de rénover l’ancienne école puis accueillir tous les enfants d’âge primaire de cette population en forte croissance. Dès leur enfance, les habitants d’Inukjuak seront habitués à traverser quotidiennement la rivière. //Un autre exemple est celui de l’enjeu de l’autonomie alimentaire, une réalité qui touche l’ensemble des villages nordiques. Actuellement, la coop et le northern sont dépendants des livraisons du sud. Un programme agroalimentaire diversifié pourrait s’implanter au cœur du nouveau développement, afin de travailler collectivement vers une autonomie alimentaire. Par exemple, de grandes serres pourraient être connectées à un centre de transformation et un comptoir de distribution alimentaire, juste à côté d’un frigo collectif. D’autres services de proximité viendront répondre aux besoins de la collectivité au fil des étapes de développement.
CULTURE VIVANTE
Nous avons également réfléchi à un concept préliminaire qui viendrait enrichir les services actuels, particulièrement en ce qui a trait à la culture inuite. D’après nos lectures, nos rencontres et nos observations sur le terrain, nous avons appris que de moins en moins d’Inuit pratiquent des activités culturelles, que ce soit de faire de l’artisanat ou de partir vivre le territoire. Parfois par faute de moyens financiers, parfois par manque d’intérêts. Le village devient alors pour plusieurs la seule expérience possible du territoire. Afin de démocratiser son accès et de promouvoir une culture vivante, nous avons imaginé des « Cabines nomades », ces petits abris que vous pouvez voir sur les images.
Il s’agit d’abris légers gérés et construits collectivement, traversant d’une rive à l’autre, montant dans le land en passant entre les branches d’habitations. Il peut s’agir de petits ateliers de coutures, de sculptures, d’un fumoir collectif ou encore d’un abri pour aller s’isoler un peu dans les terres. Que ce soit sur ski où sur petits quais flottants, l’idée est de pouvoir les bouger à volonté. L’on voit ici l’animation sur les berges, liées au milieu de vie par des sentiers piétons, ainsi que la relation avec un éventuel pont. Notre projet ne s’est pas concentré sur le design d’un pont, pourtant certains éléments de design sont à considérer; en favorisant une construction très horizontale sans entraver les débâcles du printemps, il est possible de l’intégrer au paysage sans le dénaturer.
Et puisque la rivière est l’espace public vécu autant l’hiver que l’été, en bateau à moteur, en kayak, en traineau à chien ou en ski-doo, il est essentiel que les cabines nomades participent à son animation en permettant aux pratiques traditionnelles de s’adapter au mode de vie actuel. Une cabine nomade peut tout aussi bien servir d’abri pour se réchauffer durant une partie de hockey sur la rivière, que pour aller pratiquer la pêche sur glace.
CONNEXION
Comme nous l’avons mentionné, l’établissement d’une connexion concrète passe par la construction d’un pont, à distance marchable, et aménagée à l’échelle du piéton ( nous y reviendrons ). Inévitablement, l’implantation d’une telle infrastructure orientera le développement des deux berges. En ce qui a trait au réseau routier, il est essentiel. Comme nous l’avons vu avec la présentation des branches d’habitation, les motorisés lourds ont besoin d’une assise stable. Pourtant, nous avons observé que la trame actuelle n’optimise pas le nombre de logements desservis par mètre carré de radier, appauvrissant du même coup le contact au sol (nous ne nous sommes pas lancés dans le calcul en mètre cube… mais cela donne tout de même une idée).
COMPARAISON
Donc, en cherchant à réduire l’étendue d’infrastructure routière qui encadre les milieux de vie, nous avons comparé 2 échantillons de 320 logements. Du côté de l’existant, 119 mètres carrés sont nécessaires pour desservir 1 logement, contre 68 mètres carrés du côté du projet, donc la moitié.
En poursuivant notre réflexion sur l’arrimage, on s’est arrêté sur la question du transport en commun. Actuellement, il existe un minibus qui pourrait réaliser une boucle reliant les deux berges, mais nous nous sommes surtout intéressés au potentiel d’un réseau de transport en commun à même l’axe structurant du village, c’est-à-dire la rivière. On parle d’un service en fonction sur l’eau comme sur la glace. Ici, l’on voit des quais disposés stratégiquement près des services et accessibles depuis la résidence en moins de 5 minutes de marche.
ÉCHELLE PIÉTONNE
L’échelle piétonne est donc mise de l’avant dans l’entièreté du projet. Par exemple, sans avoir «designer» à proprement parler un pont, il est primordial d’y intégrer non seulement un trottoir d’une largeur confortable pour ne pas se sentir coincé entre les autos, mais aussi l’insertion d’abris à tous les 50 mètres afin de se protéger lorsque des intempéries surviennent. De plus, comme nous l’avons vu quelques diapos plus tôt, les berges et la montée sont libérées pour la circulation piétonne et des porosités à même les branches permettent de se déplacer d’un bout à l’autre du projet en traversant les branches. (En encourageant la circulation active, on encourage les opportunités de rencontre)
Ici est représenté le sentier; là où se retrouvera l’accumulation, due à la circulation locale et l’accès aux sheds. Les stratégies d’accrochage y sont représentées et on perçoit les grandes plateformes publiques aux abords des services.
Les têtes d’îlot représentent une zone d’activité importante, là où se retrouvent le stationnement et les typologies XS connectées par une plateforme publique. La connexion avec l’autre rive se fait à l’aide d’un pont qui s’intègre à l’horizontalité du paysage. La connexion visuelle entre les deux rives est forte. On perçoit la contamination du nouveau mode d’implantation du côté existant.
La zone de la toundra représentée sous une tempête permet de ressentir l’immensité du territoire. L’implantation en branche suit le relief et l’horizontalité du paysage. Les passerelles deviennent le prolongement extérieur de l’habitat.
Ici est représenté le sentier; là où se retrouvera l’accumulation, due à la circulation locale et l’accès aux sheds. Les stratégies d’accrochage y sont représentées et on perçoit les grandes plateformes publiques aux abords des services.
CONCLUSION
La notion précédente de connexion se rattache à une notion plus large, celle d’unité. Il est question ici d’une unité entre les deux côtés de la rivière, de leur complémentarité, et de la rivière comme élément unificateur.
Il est aussi question d’unité entre le milieu de vie inuit et le territoire. Nous croyons fortement qu’il est possible de concevoir et de créer des milieux de vie contemporains, en abordant autant les domaines de la technique et du sensible, qui seraient en fort lien avec le paysage; des milieux de vie qui permettraient une harmonie entre nature et culture pour Inukjuak 2040.